Newsletter N°4 – Octobre-Novembre-Décembre 2024
Jurisprudence :
- Exécution du contrat de travail – Salaire – Durée de travail – CDD. —
- Maladie, Accident et Sécurité sociale. —
- Licenciement pour motif personnel – Démission – Retraite. —
- Licenciement pour motif économique. —
- Contentieux – Prescription – Preuve. —
- Relations collectives – Accords collectifs. —
Réglementation :
- Prorogation des conventions relatives au Contrat de sécurisation professionnelle (CSP) jusqu’au 31 décembre 2025. —
- Statut des travailleurs des plateformes. —
- Arrêté du 19 décembre 2024 modifiant les plafonds de la sécurité sociale pour l’année 2025. —
Jurisprudence
EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL – SALAIRE – DUREE DE TRAVAIL – CDD
Document rédigé en langue étrangère. Cass. Soc., 2 octobre 2024, n° 23-14.429 : Un document fixant les objectifs nécessaires au calcul de la rémunération variable contractuelle d’un salarié doit en principe être rédigé en français pour lui être opposable. Seuls les documents reçus de l’étranger ou destinés à des étrangers peuvent être rédigés en langue étrangère.
Droit à la déconnexion. Cass. Soc., 9 octobre 2024, n°23-19.063 : Le fait de ne pas être joignable en dehors de ses horaires de travail n’est pas constitutif d’une faute justifiant une sanction disciplinaire.
Temps de travail effectif. Cass. Soc., 6 novembre 2024, n°23-17.679 : Le fait pour un salarié de devoir répondre aux appels téléphoniques et aux sollicitations de son employeur – sous peine, le cas échéant d’une sanction – lors d’une période de transfert entre deux trains et en tenue de travail, ne constitue pas du temps de travail effectif. En effet, le salarié n’était alors pas empêché de vaquer à ses occupations personnelles.
Sanction disciplinaire et règlement intérieur. Cass. Soc., 9 octobre 2024, n°22-20.054 : Si l’employeur ne garantit pas la publicité du règlement, la sanction disciplinaire prononcée à l’encontre d’un salarié doit être annulée.
Qualité de coemployeur en l’absence de subordination. Cass. Soc., 9 octobre 2024, n°23-10.488 : Une société peut être qualifiée de coemployeur à l’égard du personnel employé par une autre société, même sans lien de subordination. Il suffit qu’il existe une coordination économique entre les deux sociétés, un état de domination économique engendré par leur relation commerciale, et une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière.
Egalité de traitement et ancienneté. Cass. Soc., 6 novembre 2024, n°23-16.226 : L’ancienneté d’un salarié peut justifier une différence de traitement, sous condition toutefois que :
– L’ancienneté ne soit pas déjà prise en compte dans une prime spéciale ;
– L’employeur se fonde sur des éléments objectifs et pertinents.
Obligation vaccinale et suspension du contrat de travail. Cass. Soc., 20 novembre 2024, n°23-17.886 : Il est possible de suspendre un contrat de travail ainsi que la rémunération des personnels non vaccinés des établissements et services sociaux et médicaux-sociaux. Cette obligation vaccinale, justifiée par la protection de la santé de la population, est conforme aux normes européennes. L’atteinte à la liberté contractuelle a été jugée proportionnée à l’objectif poursuivi, compte tenu des fonctions exercées par ces personnels.
Prime annuelle et usage. Cass. Soc., 20 novembre 2024, n°22-24.521 : L’octroi d’une prime annuelle par l’employeur pendant huit ans ne constitue pas un usage dès lors que cette prime n’est pas fixe dans son montant ou dans ses modalités de calcul.
Contrat de travail à temps partiel et obligation de loyauté. Cass. Soc. 11 décembre 2024, n°22-18.362 : Un salarié à temps partiel n’est pas tenu à une obligation d’exclusivité envers son employeur et peut donc développer une activité complémentaire, à condition de respecter une obligation de loyauté. Le fait de développer une activité concurrente à celle de son employeur justifie son licenciement pour faute grave.
Validité d’une clause de mobilité. Cass. Soc., 18 décembre 2024, n°23-13.531 : Une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d’application et ne peut conférer à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée. Le fait de prévoir que la clause de mobilité s’appliquera au sein de l’ensemble des filiales d’un groupe ne définit pas de façon précise sa zone géographique d’application. Elle est donc nulle.
MALADIE, ACCIDENT ET SECURITE SOCIALE
Congés payés et accident de travail. Cass. Soc, 2 octobre 2024, n°23-14.806 : Depuis la loi du 22 avril 2024, il est possible d’acquérir des congés payés au titre d’arrêt de travail pour accident de travail ou maladie professionnelle supérieure à un an. Bien que cette disposition législative ne soit pas rétroactive, les salariés peuvent se fonder sur la jurisprudence (Cass. Soc. 13 septembre 2023) en vue d’acquérir des droits à congés payés pour toute la durée de l’arrêt de travail.
Suspension du contrat avant visite de reprise. Cass. Soc., 16 octobre 2024, n°23-14.892 : Au terme d’un arrêt de travail, le salarié qui reprend son travail avant que la visite médicale de reprise n’ait eu lieu, reste soumis au pouvoir disciplinaire de l’employeur, qui peut l’exercer en cas de faute commise durant cette période.
LICENCIEMENT POUR MOTIF PERSONNEL – DEMISSION – RETRAITE
Mise à pied disciplinaire d’un salarié protégé. Cass. Soc. 11 décembre 2024, n°23-13.332 : La mise à pied disciplinaire du salarié protégé n’a pas pour effet de suspendre l’exécution du mandat de représentant du personnel et n’emporte ni modification de son contrat de travail, ni changement de ses conditions de travail. Elle n’est donc pas subordonnée à l’accord du salarié.
Limite à la liberté d’expression d’un représentant syndical. Cass. Soc., 9 octobre 2024, n°23-14.770 : Les propos d’un représentant syndical, formulés hors temps de travail, qui ne sont ni injurieux ni diffamatoires, ne sont pas susceptibles d’être sanctionnés par l’employeu
Limite à la liberté d’expression d’un cadre dirigeant. Cass. Soc., 23 octobre 2024, n°23-21.246 : Un salarié peut être licencié lorsqu’il tient des propos excessifs compte tenu – en l’espèce – de sa position de cadre dirigeant. Ces propos constituent un abus dans l’exercice de sa liberté d’expression.
Limite à la liberté d’expression d’un manager. Cass. Soc. 11 décembre 2024, n°23-20.716 : Il résulte de l’article L.1121-1 du Code du travail que, sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression. Dès lors qu’un salarié a tenu des propos injurieux et excessifs, son licenciement pour faute grave est justifié, peu importe le caractère restreint de diffusion de ses propos.
Atteinte à la liberté d’expression et indemnités. Cass., Soc., 23 octobre 2024, n°23-16.479 : Lorsqu’un salarié est licencié pour avoir fait usage de sa liberté d’expression, le licenciement est nul. Le salarié peut donc demander sa réintégration et a droit, à ce titre, au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son licenciement et sa réintégration. Dans ce cas, les revenus de remplacement dont il a pu bénéficier pendant cette période, ne sont pas déductibles.
Maternité et nullité du licenciement. Cass. Soc., 6 novembre 2024, n°23-14.706 : Le licenciement prononcé en violation des règles de protection de la salariée enceinte est nul et la salariée peut donc solliciter sa réintégration ou si elle y renonce, l’indemnité minimale de six mois de salaires et la rémunération qu’elle aurait dû percevoir pendant la période couverte par la nullité du licenciement.
Départ à la retraite équivoque. Cass. Soc., 14 novembre 2024, n°23-10.532 : Au même titre que la démission, le salarié peut remettre en cause son départ à la retraite dès lors qu’il parvient à démontrer que celui-ci est motivé par l’existence d’un différend avec son employeur. Ce différend doit être intervenu antérieurement ou concomitamment à son départ. Dans ce cas, le départ à la retraite produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dommages et intérêts pour licenciement vexatoire. Cass. Soc, 11 décembre 2024, n°23-17527 : Le fait qu’un licenciement pour faute grave soit justifié sur le fond ne fait pas obstacle à l’octroi au salarié de dommages et intérêts pour réparer le préjudice résultant des conditions vexatoires dans lesquelles il est intervenu.
Licenciement pour faute grave en l’absence d’antécédents disciplinaires et avec une ancienneté importante. Cass. Soc. 11 décembre 2024, n°22 .18362 : Rappel du fait qu’une ancienneté importante et l’absence d’antécédents disciplinaires ne font pas obstacle à une faute grave dès lors que les faits constatés rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant le préavis.
LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE
Licenciement économique et reclassement interne. Cass. Soc., 23 octobre 2024, n°23-19.629 : Les offres de reclassement faites aux salariés concernés par un licenciement pour motif économique, doivent être suffisamment précises et contenir : l’intitulé du poste et son descriptif, le nom de l’employeur, la nature du contrat de travail, la localisation du poste, le niveau de la rémunération et la classification du poste (Art. D.1233-2-1 al. II du Code du travail). A défaut de l’une de ces mentions, l’offre est imprécise et le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Licenciement économique et secteur d’activité. Conseil d’Etat, 8 novembre 2024, n°469696 : L’inspecteur du travail, saisi d’une demande de licenciement d’un salarié protégé, doit contrôler l’existence de la cause économique et le périmètre d’appréciation. En cas de licenciement économique dans une entreprise appartenant à un groupe, le motif économique s’apprécie à l’échelle du secteur d’activité du Groupe constitué par les trois activités spécialisées exploitées par les sociétés du Groupe, dès lors qu’elles relèvent d’un même marché. Seules les sociétés du secteur d’activité du groupe situées en France sont prises en compte.
CONTENTIEUX – PRESCRIPTION – PREUVE
Harcèlement moral et prescription. Cass. Soc., 4 septembre 2024, n°22-22.860 et Cass, Soc., 9 octobre 2024, n°23-11.360 : Un salarié peut saisir le juge en vue de l’annulation de son licenciement, si celui-ci fait suite à une dénonciation de harcèlement moral. Le délai pour agir est de 5 ans, comme en matière de harcèlement.
Production des bulletins de paie par l’employeur. Cass. 2ème civ. 3 octobre 2024, n° 21-20.979 : Le juge peut exiger de l’employeur la production de bulletins de paie pour établir l’existence d’une discrimination, sans que cela ne soit contraire au Règlement Général de Protection des Données (RGPD), dès lors que i/ la communication est nécessaire à l’exercice du droit de la preuve et proportionnée au but poursuivi, et ii/ n’est pas de nature à porter atteinte à la vie personnelle d’autres salariés.
Illicéité de la preuve et vie privée. Cass. Soc., 9 octobre 2024, n°23-14.465 : Les documents présents sur le bureau d’un salarié sont présumés avoir un caractère professionnel. Toutefois, lorsque ces documents sont des mails provenant de la messagerie personnelle du salarié, l’employeur ne peut y accéder et les appréhender hors la présence de ce dernier.
Licenciement pour cause réelle et sérieuse et harcèlement. Cass. Soc., 6 novembre 2024, n°22-23.886 : Lorsqu’un salarié est licencié pour cause réelle et sérieuse, il lui appartient de démontrer que cette mesure constitue une mesure de rétorsion à la dénonciation antérieure de faits de harcèlement moral. De son côté, l’employeur doit démontrer l’absence de lien entre la dénonciation par le salarié d’agissements de harcèlement moral et le licenciement.
Utilisation par l’employeur de SMS envoyés au moyen du téléphone professionnel. Cass. Soc. 11 décembre 2024, n°23-2.716 : Des SMS envoyés au moyen du téléphone portable professionnel bénéficient d’une présomption de leur caractère professionnel et peuvent en conséquence être utilisés par l’employeur à l’appui d’une procédure disciplinaire.
RELATIONS COLLECTIVES – ACCORDS COLLECTIFS
Action en justice d’un syndicat. Cass. Soc., 6 novembre 2024, n°22-17.106 et n°22-21.966 : Un syndicat peut agir en justice afin de faire reconnaître l’existence d’une irrégularité commise par l’employeur dans le décompte des jours fériés en période d’activité partielle. Il peut, à ce titre, demander i) des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif de la profession, ii) qu’il soit enjoint à l’employeur de mettre fin à l’irrégularité. En revanche, un syndicat ne peut demander la régularisation des situations individuelles, une telle action relevant de la liberté personnelle de chaque salarié, de conduire la défense de ses intérêts.
Consultation obligatoire du CSE. Cass. Soc., 27 novembre 2024, n°23-13.806 : L’employeur a l’obligation de consulter et d’informer le CSE avant la mise en oeuvre d’un projet intéressant l’organisation, la gestion et la marche de l’entreprise. Il en est ainsi des mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, de l’introduction de nouvelles technologies ou encore des aménagements importants modifiant les conditions de santé, de sécurité ou les conditions de travail. Le non-respect de cette prérogative peut entrainer la suspension dudit projet par le juge des référés jusqu’à ce que le CSE soit consulté.
Réglementation
➢ Prorogation des conventions relatives au Contrat de sécurisation professionnelle (CSP) jusqu’au 31 décembre 2025
➢ Statut des travailleurs des plateformes. Directive européenne n°2024/2831, du 14 octobre 2024
L’Union Européenne a adopté une directive relative à l’amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme) visant à améliorer les conditions de travail des personnes travaillant sur des plateformes numériques. La directive met en place une présomption de salariat et prévoit l’information de ces travailleurs sur l’utilisation des systèmes de surveillance ou de prises de décisions automatisées, qu’il est possible d’interdire en cas de traitement des données personnelles de ces travailleurs.
➢ Arrêté du 19 décembre 2024 modifiant les plafonds de la sécurité sociale pour l’année 2025
Rappel : Les plafonds de la sécurité sociale permettent de déterminer certains droits et avantages sociaux afférents, comme les taux de « cotisation patronale maladie » ; « accident du travail et maladie professionnelle » ou encore l’ « assurance garantie des salaires ».Réévalué tous les ans, le plafond annuel a été élevé de 1.6% en 2025, atteignant désormais 47 100 euros.
Tableau récapitulatif des plafond
Valeur du plafond de la Sécurité sociale | Plafonds 2025 |
---|---|
Mensuel | 3 925 € |
Annuel | 47 100 € |
2 PASS | 94 200 € |
6 PASS | 282 600 € |